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Aspects de la vie sociale…| Le Mode de Vie  | Moeurs

 

 

Mœurs

 

La violence fait partie des mœurs de la vie quotidienne. Le vagabondage, l’insécurité poussent l’individu à porter les armes, sans compter la réputation de susceptibilité de la population.

 

FUMAROLI [1] cite à ce sujet une phrase de l’historien ROSSI :

« Les habitants du canton de SAMPIERO aiment les armes, sont intrépides dans les combats, d’humeur pacifiste, mais il ne faut pas les provoquer. »

Le même FUMAROLI, reprenant le recensement de l’abbé ROSTINI compte en 1768 218 fusils et 82 pistolets à BASTELICA.

 

Cette habitude de porter les armes était devenue si courante que GENES, qui craignait un soulèvement populaire en CORSE voulut en empêcher le port.

Le 29 juillet 1717 [2]le Gouverneur ayant appris qu’un grand nombre d’armes à feu restaient entre les mains des habitants de BASTELICA, en dépit de l’ordonnance interdisant leur possession, envoie Antonio SICA avec une escorte de 18 hommes à BASTELICA, avec mission de faire des perquisitions dans les maisons, à l’exception toutefois des lieux sacrés, pour y saisir les armes et incarcérer leurs détenteurs.

 

Ce goût de la violence, les habitants de BASTELICA l’expriment chaque fois que les évènements le leur permettent. Contre GENES [3]d’abord, mais aussi contre la FRANCE[4].

A STILETO, 12 miliciens de BASTELICA eurent l’audace d’attaquer le Général NARBONNE entouré de 400 hommes. Dans la nuit ils se faufilèrent jusqu’à sa tente, tirèrent sur lui lorsqu’il était à table ; tuèrent la sentinelle et blessèrent un officier. L’armée française fut agitée toute la nuit, et NARBONNE s’écria : « Si ces braves insulaires avaient été secondés, nous étions en péril. On voit bien que le sang de SAMPIERO coule dans leurs veines. ». Mais on sait que NARBONNE est lui-même un descendant de SAMPIERO.

Après PONTE NUOVO, l’agitation ne cesse pas, des bandes de patriotes parcourent les campagnes. Ainsi, le commandant ORNANO, attaqué par 12 bastélicais, fut pris avec 30 grenadiers.

C’est BASTELICA  qui donne asile au Général PAOLI : « Restez avec nous, vous verrez ce dont nous sommes capables ! .».

 

Lié à la violence, il y a l’attachement farouche à la famille qui représente  une puissance indépendante qui nécessite la cohésion total de tous ses membres. C’est une force, la solidarité s’impose. Si un membre d’une famille est tué, le sang ne peut être lavé que dans le sang d’un membre de la famille adverse. D’où des haines sans fins, que la justice française ou génoise ne peut réprimer. Elles ne le cherchent  même pas car, en favorisant tour à tour l’un des partis adverses, « l’état colonisateur » affaiblit les factions et assure sa prédominance.

GENES parfois, envoie un missionnaire parcourir les pieve et essayer de ramener les populations à la raison, en prêchant l’amour de Dieu, l’humilité et en demandant au peuple de tout supporter pour l’amour de Dieu.

Dans ce pays, où le sentiment de l’honneur est poussé à l’extrême, celui des filles est sacré, ce qui explique la rareté des enfants illégitimes dénombrés dans les registres paroissiaux.

A ces traits de caractères, plutôt négatifs, il faut ajouter les « bonnes mœurs » sur lesquelles BIGOT s’étend longuement : Respect des vieillards, des domestiques (peu nombreux à BASTELICA), charité,  hospitalité.

 

Dans une communauté villageoise vivant en vase clos, repliée sur elle-même, les cérémonies prennent une dimension particulière.

Le mariage

Dans les registres de notaires, les contrats de mariage se présentent toujours sous la même forme :

« Il a été traité et avec l’aide de Dieu conclu amitié entre, d’une part, GERONIMO de GIACOMETO au nom de GEORGETTA sa sœur et, d’autre part, FERNANDO de GERONIMO.

Constitué en présence de moi, Notaire, ledit FERNANDO promet à GERONIMO de ne prendre aucune autre femme que GEORGETTA, sœur de GERONIMO, laquelle promet à son tour, de ne prendre aucun autre mari et de vivre chrétiennement selon la forme du Saint Concile. »

Léonard de Saint-Germain [5]  décrit avec détails les rites du mariage à BASTELICA :

Le jour de la cérémonie, un cortège à cheval est chargé d’accompagner le futur marié jusqu’au domicile de sa promise.

Arrivé à mi-chemin, une lutte équestre s’engage entre les parents de la jeune fille qui veulent la retenir, et ceux de l’autre famille qui veulent l’emmener : C’est la tradition de « l’ABRACCIO ».

Au premier ruisseau, à la première fontaine, le cortège s’arrête,  la mariée qui marche en tête, descend de cheval, s’approche de la source, s’agenouille, fait un signe de croix avec la main droite qu’elle a préalablement trempée dans l’eau, puis elle remplit ses mains et levant les bras à hauteur de la tête, elle laisse peu à peu tomber l’eau dans la fontaine en disant : « Seigneur, ordonnes que cette me purifie et emporte avec elle mes défauts à la mer afin que je puisse entrer dans la maison de mon mari sans tâche, comme je suis sortie du ventre de ma mère ; »

Lorsqu’elle achève ces paroles, elle ne doit plus avoir d’eau dans les mains, sinon ce serait un présage de malheur.

Quand le cortège arrive devant la porte d’entrée de la maison conjugale, il est arrêté par une barrière.

La mariée ne peut la franchir seule, sinon il lui arriverait malheur.

C’est le plus âgé des habitants présents qui doit l’accompagner jusqu’au seuil de la maison. Il lui offre alors les clés de la maison, déposés au fond d’une corbeille couverte de fleurs.

On répand du blé et du riz sur la tête de la mariée. C’est un signe symbolique de fécondité.

Ce qui ressort de  cette cérémonie, c’est l’importance de la femme qui éclipse l’homme.

C’est elle la reine de la fête.

 

L’enterrement

 

Le mort est dans la maison de sa famille.

BIGOT [6]: « Dès que s’échappent les soupirs du moribond, un parent allume un cierge et le place successivement dans chaque main du mort. Puis il l’éteint et le fenêtre ou la porte reste ouverte, afin que l’âme puisse prendre son vol vers le ciel. »

 

Les parents et amis font alors entendre les « VOCERATI », chants de mort sur un ton grave et monotone.

 

Quand le prêtre arrive, les femmes poussent des cris déchirants jusqu’à ce que le corps soit enlevé.

Le silence est alors absolu et le cortège se met en marche vers l’église.

Après l’enterrement les parents et amis se réunissent dans la maison mortuaire et font un repas appelé « CONFORTO » (réconfort) .

Si la famille est aisé, elle compose elle-même les mets de ce repas.

Si elle est pauvre, ce sont les amis et voisins qui les apportent : c’est la « PANIERA ».

Au village, où se retrouvent l’été les bergers nomades, les cultivateurs et les sédentaires, de longues causeries ont lieu sur les incidents de la vie pastorale, les affaires de la famille, les faits et gestes des héros du parti, les jugements rendus par les tribunaux, la vie municipale.

 

 

Que conclure de cette étude de l’église et de la société à BASTELICA aux 17ème et 18ème siècles ?

 

Le plus important n’est pas de souligner l’opposition plus ou moins effective entre le notable, le gio et le simple popolo, ni de rejeter le tableau idéalisé de « bonheur dans lequel nagerait le paysan de la montagne en ces temps-là. ! »

 

Mais il faut souligner le fait que ces divers groupes de population se déterminent et agissent sous l’impulsion de leurs sentiments religieux et sociaux, pour la défense de leurs biens familiaux et de leur patrimoine péniblement constitués.

 

 

 



[1] Dominique FUMAROLI : « La pieve de BASTELICA, esquisse historico géographique ».

BASTIA  BSSHNC n° 425/428 2ème trimestre 1921

[2] Serie C : Fonds des « ATTI FATTI IN VISITA » C.67 : Visite du Gouverneur Gio Stefano SPINOLA à AJACCIO 25 juillet au 7 août 1717. n°45

[3] 21 bergers de BASTELICA contre 800 génois. (Afficher)

[4] Dominique FUMAROLI : « La pieve de BASTELICA, esquisse historico géographique ». 

         BASTIA  BSSHNC n° 425/428 2ème trimestre 1921

[5] Léonard de Saint-GERMAIN : « Itinéraire descriptif et historique de la CORSE »

[6] Maximilien BIGOT : « Paysan Corse en communauté : Berger, porcher des montagnes de BASTELICA, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en 1869. » BASTIA 1971 pages 12 à 15