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La Terre et les hommes | Le Cadre communautaire| Les Officiers municipaux| Les Gardiens

 

Les GARDIENS

Il serait fastidieux de dresser la liste des gardiens élus pendant les deux périodes considérées, dans les « ceppi » des Notaires de BASTELICA, d’autant que le tableau de la communauté nous offre un bel échantillonnage avec leurs salaires.

Les actes d’élection des gardiens se présentent toujours de la même manière.

« Les habitants (ou les Officiers municipaux) du quartier de ….., qui cultivent la terre de …… ensemencée de blé, orge, seigle, lupin ont élus comme gardiens ……. 

Ceux-ci s’obligent et promettent que la terre ne sera pas endommagée et que les blés ne seront pas mangés par aucune sorte de bétail. Ils veilleront sur la terre avec vigilance et fidélité.

Ils peuvent prendre parmi les « bestiani minuti , agni, pecori, porci » un par bande.

Ils peuvent estimer les dommages faits dans les blés et promettent de ne jamais frauder.

Ils conserveront la terre fertile et prospère jusqu’à ce que les blés soient prêts à être fauchés. »

En effet, dans le conflit qui oppose l’agriculture à l’élevage, la surveillance des troupeaux a été une conduite nécessaire mais non suffisante à la sauvegarde des récoltes. Le besoin s’est fait sentir de garder étroitement les cultures. C’est pourquoi les communautés doivent élire des gardiens payés à l’année et chargés de la garde des terres cultivées.

 

Le chapitre III des « Statuti Civili e criminali » ordonne qu’il soit permis à chaque communauté d’élire chaque année ses gardiens et de promulguer tous les ordres nécessaires à la protection de ses terres à blé. La communauté est tenue sous peine d’amende de soumettre ses élections à l’approbation du Gouverneur dans un délai d’un mois. Elus par le peuple réuni en assemblée générale jusqu’au milieu du 17ème siècle, ils seront ensuite de plus en plus choisis par les officiers municipaux.

 

Comme toutes les communautés dont le territoire s’étend jusqu’à la mer, BASTELICA a besoin de gardiens spécialement chargés de la protection des cultures dans cette partie du territoire que l’on appelle la plage.

Son économie basée sur l’élevage transhumant et le relief montagneux  du territoire empêchent de cultiver les blés ailleurs qu’à la plage. C’est dans ce territoire (la plage de BASTELICA) que les gardiens protègent les cultures. Ils sont payés en nature : grains, orge, châtaignes.

 

Comment se manifeste leur action dans la pratique ?

Les ceppi de Giovan Agostino BASTELICA nous en donne 3 exemples.

-  01/03/1642      : « Pietro Santo de Micheleto et GIO Andréa de Giacomo, gardiens des blés de la presa de CHRICHETO présentent une requête à Giovane TOFANO et Donna Angelica sa mère et à tous ceux de cette maison, qu’ils ont trois jours pour retirer des blés leur cheval. »

- 23/06/1643 : « GIO Pietro del Alfero, gardien de la plage du quartier de TRICOLACCI déclare qu’un champ d’orge au lieu-dit « IL MONISTERA » a été traversé par les chevaux de GIO Antonio de Giacomo , Marc Antonio de Michelangelo et d’Ambro d’Andrea. Ceux-ci doivent payer des amendes respectivement de une, deux et encore deux mezzini [1]d’orge.

- 23/07/1645 : « Piretto Sampiero d’Agostino et RISTORUCCIO son fils, gardiens des blés de la SPLANCHELLA dénoncent les dépravations commises par différents bœufs. »  Francesco de Santo devra payer 4 bacini et demi d’amende, Pietro de Simone 1 bacino et demi.

 

La nomination des gardiens donne parfois lieu à des contestations comme celle qui éclate en 1787 entre BASTELICA et ECCICA-SUARELLA sur le droit de nommer les gardiens dans les territoires d’OSSEGIA[2]. L’assemblée générale des habitants de BASTELICA soutient que cette terre est comprise pour la majeure partie sur son territoire, et que les habitants d’ECCICA-SUARELLA qui possèdent des biens sur ce terroir ont payé plus d’une fois le salaire des gardiens nommés par BASTELICA.

C’est pourquoi il est ordonné que dans les 8 jours qui suivent, les officiers municipaux des deux communautés devront justifier leurs prétentions sur ce territoire en produisant une expédition en forme de nomination des gardiens de leur territoire, la note de répartition de leurs salaires et les jugements que les officiers municipaux peuvent avoir rendus.

CUNEO d’ORNANO écrit une lettre à ce sujet le 07/07/1787 : « La communauté de BASTELICA n’ a jamais nommé d’autres gardiens  que pour le territoire dit LA SPAGGIA qui lui appartient, et c’est mal à propos qu’elle s’est engagée à soutenir une protestation qui ne regarde l’intérêt que de quelques particuliers…… En effet, ces gardiens n’ont pas été nommés par la communauté de BASTELICA, mais par différents particuliers qui possèdent des terres dans le voisinage. »

Comment s’est passée l’assemblée générale de BASTELICA ?

On  a pris l’avis de chaque membre de l’assemblée sur la question de savoir si la terre d’OSSEGIA est enclavée sur le territoire de BASTELICA, ou bien sur celui d’ECCICA-SUARELLA, si les biens qui y sont situés ont toujours été sous la surveillance des gardiens de cette communauté, ou si c’est au contraire ceux de BASTELICA qui ont en eu la responsabilité.

La réponse de chaque membre de l’assemblée sera inscrite sur le procès-verbal .

Ensuite, il sera délibéré sur la demande des officiers municipaux  d’ECCICA-SUARELLA.

La position du subdélégué d’AJACCIO est claire : Le territoire d’OSSEGIA est de la dépendance d’ECCICA-SUARELLA, donc cette communauté a le droit d’établir des gardiens , mais rien n’empêche les habitants de BASTELICA qui ont des possessions sur ce territoire  de contribuer aux frais de la garde dans la forme usitée.

A l’examen des titres présentés par les deux parties, il apparaît que  ECCICA-SUARELLA a joui de tout temps de ces droits, puisqu’elle présente des documents de nominations de gardiens désignant nommément le territoire d’OSSEGIA, des rapports établis par le gardiens eux-mêmes et différentes mesures champêtres prises sur ce territoire.

BASTELICA au contraire ne peut présenter que d’anciens procès-verbaux d’élection de gardiens, sans précision de territoire.

Pour l’Intendant, l’OSSEGIA est compris dans le territoire d’ECCICA-SUARELLA. Il est néanmoins établi que plusieurs habitants de BASTELICA ont nommés à plusieurs reprises des gardiens pour surveiller les terrains qu’ils possèdent sur ce territoire. C’est là un abus, que l’on n’aurait pas du tolérer.

En conséquence l’Intendant décide de renvoyer les gardiens élus par la communauté d’ECCICA-SUARELLA, se pourvoir devant la justice ordinaire contre les propriétaires qui refusent de payer leurs salaires régulièrement fixés par le procès-verbal d’élection.

 

La communauté de BASTELICA élit également des gardiens pour la châtaigneraie à la montagne.

 

BASTELICA[3] (Traduction) : 

___________________________________________________________________________

 « Aujourd’hui, 9 Août 1789, à BASTELICA, en présence de Giacomo Filippo FOLACCI, Micheli VALLE et Antonio SETA (à la place de GIO SETA absent pour cause de maladie) et de Francesco PASQUALINI et Domenico FRANCESCHINI faisant partie de ladite assemblée, convoquée selon l’usage aux alentours de midi, et composée des chefs de famille de cette même communauté, nous avons déclaré à ladite assemblée que conformément à la commission donnée par le très illustre Monsieur De SORY, subdélégué de la juridiction d’AJACCIO, nous allons faire procéder à l’élection des gardiens pour surveiller, garder et défendre tous les châtaigniers que les habitants de BASTELICA possèdent.

Nous avons fait placer un bureau à l’extrémité de la salle de l’église paroissiale destiné à cet effet. Nous avons dépouillé les billets de chacun des délibérants et une fois la révision faite, nous avons compté 1e nombre de billets qui s‘est avéré égal au nombre des votants.

Puis nous avons fait procéder  à  l’ouverture par le Chancelier et lecture du nom écrit sur chaque billet, et avons trouvé pour la charge de gardien,

Pour les quartiers de SANTO & VASSALACCI

Paolo BRIGIOLI

48 votes favorables,

Batista FELLI

45,

Pietro FRASSATI

28,

GIO Martino  FORESTI

25

 

L’ensemble des votes donne la priorité à  PAOLO BRIGIOLI et à BATISTA FELLI.

 

Pour le quartier  de DOMINICACCI

Antonio VINCENTI

69 voix,

Giacomo Andrea BERNARDINI

69

Paolo USCIATI

34

Tomaso FELICIANI

7,

Paolo ANTONETTI

4,

Batista NUNZI

3,

 

L’ensemble des voix donne pour élus Antonio VINCENTI  et Giacomo Andrea BERNARDINI.

 

 

 

Pour le quartier de TRICOLACCI

Domenico FOLACCI

45 voix,

,Batista SETA

32

Giovanni COSTA

52,

Pasquale PAOLETTI

58,

Matteo PERRETTI

39,

Minicale PAGLIONI

3

L’ensemble des votes pour ce quartier donne à Giovanni COSTA  et à  Pasquale PAOLETTI la majorité.

L’ Assemblée les a nommés et proclamés pour exercer la fonction de gardien durant la période de la récolte de châtaignes en  leur promettant comme salaire un bacino de châtaignes de la part de chacun des votants à condition toutefois que pour tout le mois de novembre prochain, ils gardent les châtaigniers, et  cela a été lu à haute et intelligible voix à la haute assemblée.

Giacomo Filippo FOLACCI  (Podestat)

Michele VALLE et Antonio SETA (pères du commun)

Ces deux documents de la fin du 18ème  nous font comprendre deux choses importantes

D’abord de plus en plus de particuliers interviennent dans les affaires de la communauté au point de s’opposer devant la justice à une autre communauté.

Ensuite, dans la composition même de l’assemblée des habitants, il n’est plus question de la « piu e maggiore parte delli homini e popoli » mais des « capi di famiglia ». C'est-à-dire moins de 200 personnes. C’est bien dans le sens d’un resserrement de la représentation populaire au profit d’une élite de notables.

Enfin, et c’est moins important, le mode de scrutin s a évolué avec l’installation française.   Ce n’est plus idéal démocratique de l’élection par acclamation mais le système presque moderne de bureau de vote et des bulletins. Mais l’organisation  par quartier reste identique.

 

 

 



[1] 1 mezzine = 6 bacini  = 54,870 litres

[2] Intendance C133

[3] Intendance C154