Une image contenant extérieur, signe, rue, herbe

Description générée automatiquement

 

La Terre et les hommes | La Population | L’évolution

 

 

La POPULATION

 

L’évolution aux 17ème et 18ème siècles

Ce qu’il faut d’abord noter c’est la difficulté de trouver des chiffres pour le 17ème siècle.

De plus, il aurait été délicat de traiter la population de BASTELICA de 1600 à 1800 sans faire référence à l’évolution globale de la population de l’île. Nous pourrons ainsi voir s’il y a une spécificité pour BASTELICA, ou si sa population a suivi la même courbe que celle de la CORSE.

 

C’est pourquoi, j’ai choisi de présenter d’abord ce que l’on peut dire brièvement sur la population de la CORSE pendant notre période, puis nous analyserons les chiffres de BASTELICA[1].

 

Le premier chiffre connu date de 1580 : 30.000 feux [2] soit 135.000 habitants.

Au 17ème siècle, il n’y a pas eu de recensement systématique, et on peut supposer que le dépeuplement du 16ème siècle dû aux attaques barbaresques et aux épidémies, s’est prolongé pendant une partie du 17ème, ce qui a pu entraîner, sinon une régression, du moins une stagnation.

Par contre, ce siècle a surtout été celui de la paix génoise, du renouveau économique et l’on peut penser que le peuplement atteint son optimum.

Il y a là une contradiction, mais je pense qu’il faut trancher en faveur de la baisse démographique au 17ème siècle.

 

Les causes du dépeuplement :

D’abord la conjoncture économique. Les mauvaises récoltes, les disettes de la fin du 17ème et du début du 18ème ont entraîné une forte mortalité infantile. La lenteur de la reprise au 18ème siècle fait penser au phénomène de « classe creuse » caractéristique des crises démographiques.

L’autre cause importante (conséquence directe de la crise économique) est l’émigration dont nous verrons plus loin les aspects.

 

 

Le 18ème siècle pose moins de problèmes car nous disposons de chiffres[3].

Au début du 18ème on a compté 116.053 habitants, ce qui est inférieur au chiffre de 1580 et constitue une preuve de la stagnation au 17ème siècle.

 

Année

Habitants

1726

119.284

1738

116.053

1739

113.000

1740

120.389

1750

124.112

1769

123.480

1770

130.286

1794

150.658

 

 

Il apparaît qu’en 1726, après 150 ans de domination génoise, la population de la CORSE est en diminution par rapport à 1580.

D’autre part, il y a une reprise de la croissance démographique à partir de 1740, qui se  traduit par une augmentation de 8,11% en trente ans. Cette croissance va s’accélérer a l’époque du Terrier, c’est-à-dire avec la paix de la Monarchie française, pour atteindre plus de 150.000 habitants en 1794.

Le 18ème siècle est donc caractérisé par une reprise de la natalité lente et tardive, puisqu’elle ne fait sentir ses effets qu’après 1740. On peut l’expliquer par le fait que ce sont les variations du taux de mortalité qui commandent le peuplement, alors que la natalité est constante pendant 150 ans. Il ne peut y avoir compensation et on peut parler de crise de la population au 18ème avec le développement de l’émigration et l’augmentation des décès dus à la guerre et à la criminalité.

 

Pour BASTELICA, nous disposons de chiffres embrassant toute notre période. (rares au 17ème plus nombreux au 18ème.)[4]

Année

Habitants

1600

500

1690

1.690

1726

1.394

1750

1.350

1768

1.537

1774

1.333

1783

1.720

1800

1.886

 

Il y a un mouvement de croissance qui intéresse la majeure partie du 17ème. Cette augmentation s’explique par le faible chiffre de départ, puis 90 années sans statistique chiffrée. De toute façon, 1.690 habitant à la fin du 17ème c’est le point culminant du graphique (si l’on excepte le dernier quart du 18ème)

Ainsi, la régression de la population du 17ème siècle constatée en Corse, n’est pas  du tout apparente à BASTELICA. Mais à partir de 1680 il y a un renversement de cette tendance à la hausse. On assiste à une perte de population, la croissance ne reprenant qu’à la fin du 18ème siècle. La courbe du 18ème de BASTELICA est dans la logique de l’évolution générale de la population de l’île. Légère baisse au début du siècle et reprise de la croissance dans les années 1740/1750.

Cette baisse de la première moitié du 18ème peut paraître surprenante quand on compare les chiffres de la population de la période 1726/1750 avec ceux du nombre de feux dans quatre autres communautés de la « pieve ».

On remarque que le nombre de feux[5] passe dans cette période :

CAURO                       de 70 à 75

ECCICA-SUARELLA  de 80 à 89

TOLLA                         de 66 à 86

OCCANA                     de 60 à 67

Malheureusement, je n’ai pas les chiffres pour BASTELICA[6], mais si l’on considère que les communautés de la même pieve suivent à peu près la même évolution dans le peuplement, le fait est troublant. N’y a t il pas contradiction entre une diminution de population et une augmentation du nombre de feux ? Evidemment, rien ne prouve que ce nombre ait augmenté à BASTELICA comme dans le reste de la pieve, mais il y a là certainement sujet à réflexion.

 

A partir de 1750, on assiste donc à une nouvelle phase ascendante, avec le sommet en 1800. Cependant cette reprise est coupée brutalement entre 1770 et 1780. On peut certes prétexter une possible erreur de chiffres. Pourtant, ceux de la fin du 17ème siècle sont le plus aisément contrôlables[7].

Il faut donc accepter cette brusque rupture de la croissance démographique. L’hypothèse la plus plausible est liée à ce que l’on sait du peuplement à cette époque : il est commandé par les variations du taux de mortalité, et c’est donc  une mortalité anormalement élevée dans les années 1768/1774 qui serait la cause de cette chute.

Toutefois la tendance générale de la deuxième moitié du 18ème siècle ets à la hausse. Cette hausse atteindra des chiffres records dans le courant du 19ème et BIGOT [8]indique que : « la commune de BASTELICA a 2.472 habitants, le recensement de 1861 en accusait 3.070. L’émigration à la ville ou vers les pays voisins, la formation d’une nouvelle commune au détriment de la commune mère, explique  cette diminution apparente. »

Lorsque l’on étudie une population, il y a un  aspect important que l’historien ne peut négliger : Le degré de fermeture institutionnelle a l’égard des étrangers.

Comment mesurer quantitativement ce paramètre ? C’est bien sur difficile, mais en épluchant les testaments, dots et autres actes notariés, on trouve des références qui tendent à prouver cette clôture volontaire du groupe.

Ainsi en 1717, une femme qui avait épousé un homme de BASTELICA a légué son domaine dans la vallée aux hommes de BASTELICA et à leurs descendants mâles à l’exclusion de tous « horsains, forains, abitaticci »[9]

 

Paradoxalement, en même temps qu’il se ferme aux gens du dehors, le village se vide d’une part plus ou moins importante de sa masse de population. Ce qui n’est pas sans poser d’importants problèmes sociaux et économiques.

 



[1] (Un chiffre de population n’est jamais à l’abri d’erreur ou de contestation. Je les donne ici avec prudence, mais sans entrer dans la polémique de leur justification)

 

[2] la famille en tant que groupe humain est représenté par un feu (4,5 habitants) Un demi feu est un foyer sans enfant.

[3] Dans l’optique de la guerre de 1725/1769, il y a eu la préoccupation de connaître le nombre d’hommes en mesure de porter les armes. C’est le cas du recensement de 1768 de l’abbé ROSTINI

[4] Chiffres donnés par Ange ROVERE : 1729-1769.La CORSE pouvait-elle devenir une Nation ?

[5] Ange ROVERE : 1729-1769.La CORSE pouvait-elle devenir une Nation ?

[6] Je n’ai pas parlé du peuplement de la plaine de BASTELICA car, comme le signale le TERRIER : « la population de cette commune est comprise dans celle de la communauté de BASTELICA, elle est habitée toute l’année par des bergers et des cultivateurs. »

 

[7] Le chiffre de 1768 (1.537 habitants = 307 feux,24 demi feux) est tiré du recensement de l’abbé ROSTINI. Celui de 1774(1.333 habitants) INTENDANCE C.49 et celui de 1783(1.720 habitants) du TERRIER.

[8] Maximilien BIGOT : « Paysan Corse en communauté : Berger, porcher des montagnes de BASTELICA, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en 1869. » BASTIA 1971 page 4

[9]CHIVA : »enquête sur la structure sociales des villages corses. » Laboratoire d’ethnologie française. CNRS PARIS Février 1956